Voilà trente ans que je pratique la montagne, et jusqu’ici, le Kilimandjaro ne m’avait jamais attiré, sans doute à cause de ses 40 000 ou 50 000 trekkers annuels. Pourtant, lorsque Amaury m’a parlé de son projet d’y partir avec son fils Foucauld, en commençant par l’ascension du mont Kenya (environ 15 000 trekkers par an), j’ai tout de même pensé que c’était l’occasion de repartir presque en famille dans cette Afrique de l’Est que j’affectionne tant. Et je voulais aussi partager, de l’intérieur, l’expérience de nos quelques dizaines de voyageurs qui s’y lancent chaque année et qui, sans exception, en reviennent enchantés. Je comprends désormais pourquoi !
L’idée de tenter la pointe Batian à 5199 mètres – le véritable sommet du mont Kenya – ajoutait un beau défi à ce voyage. Et finalement, le seul risque que je prenais était d’être agréablement surpris par ces deux ascensions africaines mythiques. Car oui, il y avait du monde sur le Kilimandjaro, mais loin de la cohue que j’avais imaginée et c’était sincèrement très supportable au regard de la taille de la montagne. Et sur le mont Kenya, nous étions presque seuls. Au total, les équipes locales se sont montrées fabuleuses dans leur gentillesse et l’obsession de nous satisfaire. Quant aux paysages, il faut reconnaître qu’ils sont grandioses.
Voici donc mon carnet de voyage illustré.
Jour 1 – Arrivée à Nairobi
L’arrivée à Nairobi se fait dans le tumulte habituel : un panneau d’accueil introuvable, une foule compacte, des prestataires trop pressants. Rapidement, nous gagnons notre hôtel, le Four Points by Sheraton, que je recommande!

Entrée du parc du mont Kenya © Eric Bonnem
Jour 2 – Transfert pour Chogoria Gate (2950 m) puis trek au Camp 1 (3300 m)
Au petit matin, Boniface – « Bonie » – notre guide, nous rejoint à 7 h 30. Amaury descend une heure plus tard, continuant de boucler ses derniers emails... L’expérience m’a donné la patience et il n’y a pas beaucoup d’enjeux aujourd’hui. Après quelques arrêts en ville pour cartes SD et batteries, nous quittons Nairobi à 10 h 30. La route traverse Embu, ponctuée d’innombrables dos-d’âne mal signalés qui nous font décoller plus d’une fois.
Nous arrivons à l'entrée du parc du mont Kenya où nous remplissons les formalités, puis déjeunons face à la forêt. Encore quarante minutes de piste cahoteuse, et nous atteignons Chogoria Gate à 2950 mètre où nous abandonnons les véhicules pour continuer à pied. Traversée de champs et de forêts de bambous, la végétation diminue et nous arrivons au bout de 2 bonnes heures dans un camp magnifique. Moses, le chef, nous accueille avec ses 18 porteurs, service irréprochable. La première nuit à 3300 mètres s’annonce un peu agitée avec l’altitude.

Camp 1 du mont Kenya © Eric Bonnem
Jour 3 – Vers le Lac Michaelson (3900 m)
Le temps est clair au lever, mais se couvre vite et le vent glace les crêtes. Nous jouissons d’un splendide paysage, marchant sur un promontoire rocheux qui surplombe la Gorges Valley. Au bout de 6 ou 7 heures de marche, nous arrivons sur un sentier à pic qui nous mène sur la rive du lac Michaelson, où nous allons passer la nuit. Nous perdons vite 200 mètres qu’il faudra regagner le lendemain. Mais l’effort vaut la chandelle : le site est magnifique, les oiseaux chantent, les damans s’agitent, des British pêchent même la truite, après avoir réalisé le sommet la nuit dernière !

Gorges Valley © Eric Bonnem
Nous sommes peut-être deux ou trois groupes, soit une dizaine de personnes avec nous. Je me sens fatigué, avec un taux de saturation un peu au-dessous de 80, ce qui me donne droit au regard inquisiteur de Bonnie. « Tout va bien Bonnie, je me connais bien ! ». Nous sommes tout de même à 3900 mètres au bout de deux nuits.

Campement au bord du lac Michaelson © Eric Bonnem
Jour 4 – Vers Simba Camp (4600 m)
Nous quittons le lac par une gorge superbe. Et après trois heures de marche, Simba Camp apparaît derrière un col, idéalement placé pour le sommet. La météo s’est un peu dégradée avec l’altitude et il pluviote / neigeotte. Bien sûr, à 4600 mètres, il fait plus froid. Le « summit push » pour la pointe Lenana est prévu à 5 heures du matin. Je m’endors assez bien, ne me réveille qu’une fois pour uriner sous un ciel parfaitement clair. La Croix du Sud est mon seul repère. À l’équateur, la Grande Ourse est à moitié visible et l’étoile Polaire est trop basse sur l’horizon.

Simba Camp © Eric Bonnem
Jour 5 – Sommet (de trekking) du Mont Kenya (4985 m) puis Shipton Camp (4300 m)
La pleine lune éclaire notre départ. La montée demande quelques pas d’escalade facile entre les rochers. À l’aube, le soleil embrase les cimes : un moment magique. Nous atteignons la pointe Lenana à 7 heures, seuls, profitant de 45 minutes de plénitude. Beaucoup d’émotion pour mes amis qui sortent pour la première fois leur petite banderole pour de nombreuses photos et vidéos. La pointe Lenana est le troisième sommet du mont Kenya, le seul accessible en trek.

Vers la pointe Lenana regardant l'est et le lever de soleil © Eric Bonnem
La descente est plus rude, les pierriers instables, mais le bonheur d’être là nous accompagne. Nous atteignons un ravissant ruisseau dans la végétation afro-alpine, dont nous suivons le cours. Le Shipton Camp (4300 m) nous accueille enfin, dans une prairie idyllique derrière le refuge qui semble pas mal, mais indiscutablement moins confortable que notre camp. L’organisation est impeccable, Boniface admirable. En fin d’après-midi, je fais la connaissance de David, qui me guidera demain sur la Batian, le vrai sommet du mont Kenya à 5199 mètres. Un guide en formation, Éric, sera également de la partie.

Pointe Lenana à 4985 mètres © Bonie
Jour 6 – Tentative du vrai sommet, la Batian (5199 m) puis Old Moses (3300 mètres)
Réveil à 4 h 30, départ à 5 heures avec David et Éric, mes deux guides pour cette aventure. Nous arrivons au pied de la paroi vers 6 h 30. Les premiers rayons du soleil pointent. La paroi en face nord, donc profitant des rayons du soleil de l’hémisphère nord en été, se dresse devant nous, impressionnante. David m’a expliqué la veille que c’est à peu près 20 longueurs d’escalades de 20 à 30 mètres assez verticales, qu’il nous faudra probablement 6 à 7 heures pour monter et que de toutes les manières, à 13 heures, il faudra faire demi-tour où que l’on soit sur la montagne. Là où je prends un coup au moral, c’est quand il m’explique que la descente en rappel est plus longue que la montée. Bref, redescente probable dans la nuit vers 22 heures, je comprends mieux les petits points lumineux que j’ai vus sur la face, tard le soir, hier. Le premier pitch est déjà exigeant, je ne trouve pas les prises et David n’est pas en vue pour m’aiguiller, cela ne va pas être simple… Rapidement, je réalise que la voie est trop engagée pour moi. Même en réussissant le sommet, ce qui est peu probable, j’en ai pour une journée bien physique de près de 18 heures non-stop… Ce n’est pas raisonnable, je renonce.

Escalade sur la face nord du mont Kenya © Eric Bonnem
Une fois revenus au camp, David m’explique que la Nelion (second sommet à 5188 mètres) qui se tente par la face sud en hiver (pour nous dans l’hémisphère nord) est, plus directe, plus sûre et plus rapide, à la montée comme à la descente. Et une fois au sommet Nelion, il est possible d’atteindre en aller-retour de 3 à 4 heures la pointe Batian via l’emblématique Gate of Mist – Porte de la Brume… Près de Nelion, il existe de surcroît un petit refuge de 2 à 3 personnes, le Howell Hut, qui peut permettre de se reposer avant de traverser la Gate ou de redescendre, ou tout simplement de se mettre à l’abri des averses et orages de l’après-midi… Au total, sur 15 000 trekkers, seuls 200 atteignent la Nelion et une cinquantaine de grimpeurs atteignent le vrai sommet du mont Kenya, la Batian… Soit 0,3 %. J’ai été un peu présomptueux. Je vais m’entraîner et je reviendrai !

Campement face au versant nord du mont Kenya (pointe Nelion, pointe Batian) © Eric Bonnem
Mes compagnons ont commencé à descendre vers Old Moses (3300 m) pendant que j’étais en escalade, car ils doivent rejoindre Nairobi demain pour être après-demain à Amboseli, parc mythique où éléphants et girafes paissent dans la savane devant les neiges éternelles du Kilimandjaro… quand la « Montagne brillante », en Swahili Chaga, se laisse voir, ce qui est rare.

Mont Kenya depuis la voie Sirimon © Eric Bonnem
J’arrive au camp déserté, car l’équipe est en majorité redescendue, je prends un bon petit-déjeuner avec vue sur la face nord du mont Kenya. J’avais prévu une journée de réserve météo pour la Batian, mais je décide de rejoindre le jour-même le dernier camp Old Moses accompagné de notre second guide Peter, excellent lui aussi. Je compte en effet prendre une journée de repos à Nairobi et rencontrer notre ami Jean-Yves Marteau, partenaire de Tamera pour nos safaris et un formidable expert des peuples traditionnels d’Afrique jusqu’au lac Turkana et au-delà. Fatigué probablement, je me tords la cheville à l’entrée de ma tente… La marche jusqu’à Old Moses qui doit prendre en théorie 4 ou 5 heures, me paraît interminable et nous arrivons au camp au bout de 7 heures. La pluie redouble, mais l’accueil au camp réchauffe.

Vue sur le Shipton camp et la voie Sirimon © Eric Bonnem
Entrés par la route Chogoria et ressortant par la Sirimon, nous avons eu le privilège de réaliser une magnifique traversée d’est en ouest. Le choix de bivouac au lac Michaelson était une initiative de Bonnie. Bravo à lui, ce fut merveilleux. La cuisine de notre chef Moses fut absolument dingue ! L’ensemble de l’équipe, managée par un autre Eric, avec près d’une vingtaine de personnes, a fait de ce premier périple une aventure fabuleuse.

L'équipe kényane au grand complet © Foucauld de la Lance
Jour 7 – Retour à Nairobi
Départ à 9 heures, arrivée à 13 h 45 après cinq heures de route. Nairobi nous replonge dans ses embouteillages, sa fumée noire, ses ronds-points saturés. À l’aéroport, la sécurité est omniprésente : rappel, il est interdit de rouler après 18 heures avec des touristes.
Jour 8 – Journée avec Jean-Yves vers Nairobi
Jean-Yves vient me chercher à l’hôtel dans son land cruiser Toyota rallongé. Nous parlons longuement de sa vie ici, de ce Kenya pour lequel j’ai eu un coup de foudre, touché par la gentillesse de sa population, par le niveau d’excellence fourni par tous les professionnels que j’ai pu rencontrer. Décidément, cette Afrique de l’Est entre Kenya, Tanzanie et Ouganda, est particulièrement attachante. Nous partons pour une belle plantation de café dans les faubourgs de la ville. Une belle journée en ta compagnie, Jean-Yves, Asante sana ! « Merci beaucoup » en Swahili.

Sommet du Kilimandjaro au-dessus de la mer de nuages vu d'avion © Eric Bonnem
Jour 9 – Arrivée à Kilimandjaro Airport et transfert vers Moshi
Ce matin, petit vol de 35 minutes depuis Nairobi pour le Kilimanjaro Airport, au-dessus d’une mer de nuages d’où émerge rapidement, mais timidement, la silhouette sommitale du Kili. Le décor est posé, nous ne verrons le soleil qu’en dépassant les 3000 mètres sur la montagne ! Formalités rapides et agréables dans ce petit aéroport. Mon chauffeur Moussa m’attend à la sortie. Fautes d’orthographe sur le panneau d’accueil, lui-même assez cheap, il est grand temps que l’on progresse dans ce domaine !
Une heure de route, travaux au départ, avant d’atteindre le Chanya Lodge, écrin de verdure charmant et reposant au pied du Kilimandjaro, un peu à la sortie de Moshi, donc versant sud de la montagne. Je retrouve Amaury et Foucauld qui ont traversé la frontière à pied, profitant d’un safari de toute beauté à Amboseli… mais sans Kilimandjaro, caché dans la brume… Deux de nos trois guides nous rejoignent, Kelvin et Fazzer, pour un « brief » d’une précision redoutable. Je les sens un peu stressés. Peut-être la présence du patron de l’agence française ? Wilbert, mon partenaire, vient également pour que je lui paie le supplément pour le camp de Kosovo, petit camp où nous avons finalement décidé de monter, juste au-dessus de Barafu sur la voie Machame, pour gagner 2 heures dans le summit push. Encore merci Jean-Manuel (remerciements privés !).

Effervescence à Machame Gate © Eric Bonnem
Jour 10 – Transfert pour la Machame Gate (1800 m) puis trek au Machame Camp (3000 m)
Rendez-vous fixé à 9 heures ce matin pour le transfert, mais le check-out s’éternise et nous quittons l’hôtel vers 9 h 30. Arrêts successifs : gourdes, veste et guêtres, piles et Coca-Cola pour mes amis. Le minibus n’est pas de grand luxe, entassés à 9 plus notre chauffeur Moussa, mais l’ambiance est bonne et notre empreinte carbone sur ce transfert bien optimisée.
Arrivés à la Machame Gate (1800 m) vers 11 h 15, nous faisons connaissance avec l’équipe : Mateyo, chef-guide, David, chef cuisinier, plein de porteurs et autres aides… Encore une équipe d’une vingtaine de personnes pour nous trois. C’est tout de même très impressionnant ! L'équipe est à 80 % de l'ethnie Chaga. Je demande à Fazzer de me briefer quelques minutes sur les agences françaises présentes au Kili et lui pose des questions sur les américaines, dans le segment plus haut de gamme et privatisé, comme Expeditions Unlimited. Ils « envoient » tous plusieurs centaines de clients par an. Disons que c’est un peu plus industriel que notre organisation plus intime, comme je les aime. Il m’explique que son peuple, les Chaga, représente l’ethnie la plus éduquée et prospère et qu’elle vit principalement sur les pentes méridionales et orientales du Kilimandjaro, donc dans le nord de la Tanzanie.

Dans la forêt vers le Machame camp © Eric Bonnem
Les formalités de permis, la préparation et la pesée pour l’équipe, tout cela prend pas mal de temps. Nous quittons à pied la Gate vers 13 h 15 après un contrôle avec rayons X : check alcool, armes et drones, je suppose… Quelle organisation !
Nous démarrons notre marche à travers la forêt tropicale sur un sentier, la brume est omniprésente. Avec le mont Kenya dans les jambes, cette première étape est une promenade de santé qui nous laisse nous pénétrer de cet environnement de figuiers géants, caoutchoutiers, fougères arborescentes où évoluent quelques singes que nous entre apercevons. et des antilopes de forêt…

Dans la forêt vers le Machame camp © Eric Bonnem
Au terme de cette journée, nous débouchons en limite de forêt à Machame Camp à 3000 mètres. Nous découvrons notre camp à l’écart de plusieurs dizaines d’autres répartis dans la forêt, mais singulier par la taille de ses tentes et l’espace que nous prenons au sol. Nos amis font les choses bien ! Brief tente mess, où une collation est bien sûr déjà servie, brief tente toilette d’un luxe absolu et présentation de son responsable, aussi vigilant que la dame pipi d’un aéroport japonais, et nos tentes individuelles : presque la taille d’une tente mess pour nous tout seul, dans laquelle on peut se tenir debout avec un vestibule pour nos sacs et un banc pour retirer nos chaussures. Lit de camp, matelas, oreiller, petite couverture… J’ai posé la question par curiosité : chaque tente pèse 20 kilos et nécessite un seul porteur… Un peu absurde et à la fois, j’apprécie ce luxe qui montre notre attention portée au détail et notre différence. Je n’ai encore rien vu d’aussi élégant où que ce soit en montagne.

Vers le Machame camp © Eric Bonnem
Jour 11 – Vers Shira Camp (3750 m)
Départ du camp. Rapidement, le sentier se raidit. Le couvert forestier devient plus clairsemé, remplacé progressivement par des bruyères géantes et des séneçons étranges, gardiens immobiles de la montagne. Nous commençons à avoir de splendides points de vue sur la face sud du Kilimandjaro, le mont Meru et la forêt tropicale en contrebas.

Vue sur le mont Meru à 4566 mètres © Eric Bonnem
Au détour du chemin, surprise délicieuse, l’équipe nous a dressé un tea time sur un belvédère à l’écart du sentier, table nappée, chaises, tasses fumantes et petits gâteaux, luxe inattendu dans l’austérité du sentier. Regards médusés des trekkers qui passent à quelques mètres. Ce doit être une délégation officielle, se disent-ils ! Ainsi, presque chaque jour, choisissant le lieu le plus magique que traverse notre étape, notre équipe aura cette délicate attention pour nous trois. Nous sommes assez émus. Trop, c’est trop… Mais on va s’y faire finalement assez bien !

Surprise de notre équipe tanzanienne © Eric Bonnem
Arrivés en début d’après-midi à Shira Camp (3750 m), notre regard s’élève vers le mont Meru, qui surgit des nuages au loin. Déjeuner, repos, nous partons en fin d’après-midi vers les anciennes grottes de Shira (Shira Caves), où les porteurs dormaient encore il y a une trentaine d’année. Ils dorment fort heureusement désormais dans une grande tente dans notre camp, mais cela nous rappelle la rudesse des ascensions passées.

Vue depuis le Shira Camp sur le cône Shira © Eric Bonnem
Depuis un magnifique promontoire, où nous faisons la connaissance d’une adorable famille néerlandaise venue au Kili en tribu, le tout offert par le grand-père qui est là, nous jouissons d’une splendide vue sur la face sud-ouest du Kilimandjaro et sur le mont Meru à l’opposé derrière nous. Non loin, nous voyons Shira, le troisième cône volcanique du Kilimandjaro qui culmine à 3962 mètres et qui donne son nom au camp. En contrebas, se rejoignent d’autres voies à Shira II : la Lemosho, assez sauvage et moins fréquentée, qui rejoint la Machame à Barranco et également la voie de la Grande Traversée, que nous apprécions particulièrement, car elle permet une meilleure acclimatation en 9 jours, soit 2 jours de plus que la Machame. Elle suit une longue boucle nord en surplomb du Kenya et des plaines d’Amboseli, longeant le cratère vers des flancs encore plus solitaires pour faire le tour de la montagne et atteindre le sommet.

Vue depuis le Shira Camp sur mont Meru et le cône Shira © Eric Bonnem
Et chaque soir, brief précis de nos trois guides qui se succèdent dans la tente mess sur le programme du lendemain, test de saturation d’oxygène et de fréquence cardiaque, petit questionnaire oral de santé. Tous les matins, nous sommes réveillés à l’heure définie la veille avec un petit plateau et du café ou du thé, avant d’aller prendre un petit-déjeuner plus consistant dans la tente mess. Puis nous partons pour la journée depuis un camp parfaitement monté et arrivons au bout de quelques heures dans un camp parfaitement monté ! Nous ne voyons même pas nos porteurs nous dépasser… Magique ! Chaque jour, je serai émerveillé par cette équipe rodée et aux petits soins pour nous. Je mesure tous les instants la satisfaction de nos clients.
Jour 12 – Vers Barranco Camp (3950 m) via Lava Tower (4600 m)
Journée exigeante. Cinq heures de montée progressive jusqu’à Lava Tower (4600 m), non sans s’arrêter pour une « petite surprise », comme l’équipe l’appelle, en chemin : table nappée, thé, café, gâteaux, etc… Lava Tower est un magnifique site où nous déjeunons ; un peu haut, à 4600 mètres, les équipes sont donc toujours un peu fébriles pour leurs clients. Au regard de notre acclimatation exceptionnelle, nous profitons de tous les instants.

Face sud-ouest du mont Kilimandjaro © Eric Bonnem
Le paysage est plus minéral, je discute avec nos guides. Non, on ne peut plus grimper le monticule dénommé Lava Tower, car la roche est de piètre qualité et il y a eu des accidents. Dommage, cela m’aurait réconcilié avec l’escalade, cela semblait bien plus court et facile que la Batian ! On est face sud du Kilimandjaro, je regarde l’itinéraire dit la Western Breach qui se dévoile, impressionnante et raide, directissime au sommet et qui se tente désormais très rarement. En contrebas, l’Arrow Glacier Camp, camp de base de ceux qui tentent cette voie. En redescendant quelques heures plus tard, un bruit d’explosion et quelques « autobus et autres frigos minéraux » descendent exactement la voie dans une poussière impressionnante. Bon, on souhaite bon courage à ceux qui sont dessus. Fort heureusement, personne n’y est à cette heure de la journée, bien trop tard.

Lava Tower © Eric Bonnem
Deux heures de descente vers Barranco. Les porteurs, eux, ont contourné par un sentier plus direct sans passer par Lava Tower et nous y attendent déjà. Le camp est monté. Encore une magnifique journée.
Nous sommes désormais bien au-dessus des nuages et le ciel bleu ne nous quittera presque plus pendant toute notre ascension. Seuls les nuages qui montent en fin de journée obscurcissent un peu le ciel mais laissent rapidement la place en début de soirée à de sublimes cieux étoilés. Alors apparaît chaque soir la Croix du Sud, et je pense à mon père qui m’en parle avec gourmandise depuis mon plus jeune âge. Il était même parti à la Réunion avec ma mère pour pouvoir l’observer une fois dans sa vie.

Face sud du mont Kilimandjaro © Eric Bonnem
Jour 13 – Barranco Wall vers Karanga Camp (4000 m)
Ce matin, démarrage de la journée par le célèbre mur de Barranco : 1 h 30 d’escalade ludique, fluide et sans bouchons, timing parfait. Au sommet du mur, la vue est saisissante sur la face sud-est du Kili.

Barranco Wall © Eric Bonnem
Nous arrivons assez tôt à Karanga à 4000 mètres. L’après-midi est un peu longue et calme. Petite partie de backgammon avec Foucauld, qui me voit victorieux à deux reprises… On ne ressortira plus le jeu ! Un début de rhume que je règle par un bon petit somme dans mon loft d’altitude. L’excitation du sommet, que nous ne voyons pas depuis le début, car caché par la lèvre du cratère. Nous savons qu’il est juste derrière. Nuit longue et parfaite avant la prochaine qui sera plus courte avec le summit push.

Face sud du mont Kilimandjaro © Eric Bonnem
Jour 14 – Vers Kosovo Camp (4900 m) via Barafu (4700 m)
Journée assez courte et intense à la fois, avec de bonnes pentes en montées et descentes, jusqu’à Barafu à 4700 mètres, point de départ de 99 % des expéditions vers le sommet. Sauf que nous, nous avons décidé de monter encore 200 mètres au-dessus dans un tout petit camp sur un belvédère appelé Kosovo. Ce camp parfait nous permet de passer un petit mur à la sortie de Barafu et de gagner peut-être 2 heures lors du long summit push et également d’éviter cette partie plus raide de nuit vers 2 heures du matin.

Nos trois guides Fazzer, Kelvin, Mateyo et moi devant le mont Kilimandjaro © Eric Bonnem
On fait une pause à Barafu à 4700 mètres, profitant d’une vue sublime sur le Mawenzi et le Kibo (cratère principal) avant de rejoindre notre équipe pour déjeuner à Kosovo. Pour mémoire, le Kilimandjaro est le plus haut massif volcanique isolé du monde et il est formé de trois cônes volcaniques distincts : Kibo, dont le point culminant est Uhuru Peak (5895 mètres) que nous visons, est le cône le plus jeune et le seul encore potentiellement actif (fumerolles visibles). Le Mawenzi mythique, car c’est sur lui que se lève le soleil quand les ascensionnistes sont au sommet. À l’altitude de 5149 mètres, il est plus ancien, érodé, avec des arêtes abruptes et déchiquetées. Il se gravit, mais l’escalade est un peu engagée. Et enfin, le cône Shira, le plus ancien et le plus érodé des trois, que j’ai évoqué un peu plus haut.
À noter que depuis très récemment il y a désormais des DZ, aire d’atterrissage pour hélicoptères, à tous les camps – j’y pense, car c’est là que je vois notre premier hélico se poser pour récupérer un porteur, il me semble, car nous sommes à quelques centaines de mètres – et c’est bien pour la sécurité générale, des trekkers et des équipes locales.

Entre Barafu Camp et Kosovo Camp © Eric Bonnem
Fin de journée, c’est le moment tant attendu du brief très complet : matériel, organisation et timing pour notre départ pour le sommet la nuit prochaine.

Mont Meru depuis le Kosovo Camp après le coucher du soleil © Eric Bonnem
Jour 15 – Sommet du Kilimandjaro à 5895 mètres puis redescente pour Millenium Camp (3800 m)
Réveil à 00 h 30 avec petit café dans la tente, on ne perd pas nos bonnes habitudes. Nous avons décidé de ne pas nous stresser pour le départ que nous visons à 1 h 45. Le lever de soleil se fera quoi qu’il arrive, dans la montée, sur le Mawenzi et l’idée d’arriver trop tôt là-haut et d’attendre notre astre comme des touristes dans le froid ne nous enchante guère ! Et nous avons 2 heures d’avance sur ceux, nombreux, qui démarrent depuis Barafu. Montée régulière, sans surprise. Foucauld peine un peu, car il traîne une petite crève depuis quelques jours… mais nous atteignons sans encombre Stella Point à 5756 mètres au panneau vers 6 h 30.

Summit Push à l'approche de Stella Point au lever du soleil avec le cône Mawenzi derrière © Eric Bonnem
Puis le contournement en suivant la lèvre du cratère nous fait arriver au sommet à Uhuru Peak à 5895 mètres, un peu avant 8 heures. La lumière et la vue sont magnifiques, un peu de neige glacée ne nécessitant pas nos crampons sur l’arête, quelques vestiges de glaciers ici ou là, une bonne neige dans le cratère. Nous nous congratulons, mes amis ressortent la petite banderole de leur association « Les Grands Vivants » que je saisis et tiens d’abord à l’envers pour la première série de photos. Eux prennent ma petite banderole Expeditions Unlimited. Belle émotion, nous sommes une vingtaine au sommet à cet instant et les groupes se succèdent devant le panneau sommital en bois pour immortaliser l’instant. Je retrouve également Emiel, sympathique jeune homme de la famille de Néerlandais, dont une partie n’a pas pu atteindre le sommet.

Arrivée Stella Point au lever du soleil avec le cône Mawenzi derrière © Eric Bonnem
J’abandonne alors mes amis au sommet et décide d’aller faire un tour avec le guide Kelvin à Gilman’s Point à 5681 mètres, de l’autre côté du cratère et point d’arrivée au sommet par le nord et l’est de plusieurs voies d’ascension, par exemple de la Marangu (Coca-Cola), de la Grande Traversée ou de la voie Rongaï. Le chemin me surprend un peu, car je le trouve assez tortueux et parfois raide. Il nous faut 1 h 30 en aller-retour depuis Stella Point, point d’arrivée et de redescente de la Machame.

Vestige de glacier depuis la lèvre du cratère Kibo © Eric Bonnem
La descente depuis Stella est assez éprouvante, une heure et demie dans les cendres puis les pierriers que nous dévalons avec Kelvin comme des skieurs, en glissant sur nos chaussures à bon rythme. Mes quadriceps commencent à brûler quand nous arrivons vers 11 heures à Kosovo. J’y retrouve nos amis et nous prenons alors notre vrai petit-déjeuner.
Petit somme, en-cas, puis nous redescendons en 2 heures vers notre prochain camp Millennium à 3800 mètres. Encore une innovation sur l’itinéraire, quand la plupart des groupes descendent directement à Mweka Camp (3100 mètres), que nous atteindrons le lendemain, avant de sortir du parc à Mweka Gate (1700 m).
S’arrêter à Millenium nous fait gagner 2 heures sur Mweka et au total, avec la montée de la veille à Kosovo, nous économisons près de 4 heures sur cette longue journée de summit push qui nous aura pris 10 heures, contre 14 heures pour les autres groupes.

Sommet du Kilimandjaro © Eric Bonnem
Que dire de plus de notre voyage intense ? Un succès total pour nous et les équipes, une douceur que je ne m’attendais pas à trouver sur les pentes du Kilimandjaro... De la beauté et de la bienveillance, de l’intelligence et du service à chaque instant. Merci à tous et en particulier à Amaury et Foucauld de m’avoir entraîné dans cette grande Aventure.

L'équipe tanzanienne au grand complet © Eric Bonnem
Le blog Expeditions Unlimited