11 avril 2023Seven Summits, Alpinisme
le mont Elbrouz 5 642 m, toit de l’Europe

Du haut de ses 5 642 mètres, c'est le mont Elbrouz qui est le toit de l’Europe, et non notre cher mont Blanc, comme nombreux le pensent. Pour accomplir le challenge des Seven Summits, gravir l’Elbrouz demeure le passage obligé. Dans cet article, nous revenons sur les origines de l'ascension du sommet le plus élevé des monts du Caucase et de l'Europe. Au regard de la géopolitique, il va de soi que l'expédition au mont Elbrouz est actuellement suspendue. Nous tenions cependant à clôturer notre saga sur ce challenge remarquable.

 

L’Académie des sciences de Russie naît à Saint Pétersbourg

Fondée en 1724, par Pierre Ier le Grand, l’Académie des sciences de Russie organise des expéditions afin de mieux connaître les territoires conquis par la Russie tsariste. En 1725, Pierre le Grand charge l’explorateur danois Vitus Bering d’une mission capitale : voir s’il est possible d’atteindre le continent américain par l’ouest. Le succès de l’entreprise rejaillit sur l’Académie des sciences qui en sort glorifiée.

En 1813, l’astronome russe Vikenty Vishnevsky mesure l’Elbrouz : 5 648 mètres pour le sommet occidental, 5 609 mètres pour l’oriental. Étonnante précision pour les moyens de l’époque, les mesures actuelles étant respectivement de 5 642 mètres et de 5 621 mètres. Vishevsky peut s’enorgueillir d’avoir identifié le point culminant du Caucase.

 

Gravir l’Elbrouz pour l’honneur du tsar

En 1828, une guerre éclate entre l’Empire russe, dirigé alors par le tsar Nicolas Ier, et l’Empire ottoman. Ce n’est pas le premier conflit avec le voisin du sud, ce ne sera pas le dernier. L'essentiel des combats se déroule dans les Balkans. En parallèle, le général Georgi Emmanuel, gouverneur du Caucase, livre bataille aux tribus musulmanes de la région dans le but d’annexer leurs territoires. L’année suivante, en 1829, désireux d’explorer l’Elbrouz et pourquoi pas le gravir, il contacte l’Académie des sciences de Russie qui lui adjoint quatre scientifiques. Parmi eux un Français, Jean Charles de Besse, qui racontera l’aventure. L’équipage est nombreux : « 600 Russes et 400 Cosaques, ce qui était une mesure de sécurité nécessaire dans ces pays sauvages.» [1]

L’expédition s’installe au pied du versant nord.

Nicolas Ier
Nicolas Ier, un tsar guerrier sur le trône

 

Khilar Khashirov « un homme laid et boiteux » pionnier de l’Elbrouz

Le 22 juillet 1829, Khilar Khashirov, un Circassien (l’un des peuples du Caucase) faisant office de guide local pour l’expédition de Georgi Emmanuel, atteint le « sommet » vers midi, gravi depuis le versant septentrional. Le général Emmanuel a suivi la progression au télescope.

Besse : « Après le déjeuner, le général fit appeler les personnes qui devaient composer cette petite caravane, les harangua en présence de l'état-major, et promit à celui qui monterait le premier sur le sommet cent roubles d'argent, cinquante au deuxième, et trente-cinq au troisième. »

En 1829, le Magazine français des voyageurs et géographes publie le compte-rendu de l’ascension :

« Le 22 [juillet], ils partirent à trois heures du matin. En demeurant au camp, nous avons suivi avec un vif intérêt la lente progression des voyageurs. À neuf heures du matin, ils avaient surmonté plus de la moitié de l'ascension. Une heure plus tard, une seule personne est apparue au-dessus des rochers et s'est dirigée vers le sommet de l'Elbrouz d’un pas décidé. En vain, nous nous attendions à ce que d'autres le suivent : personne n'est apparu – au contraire, beaucoup ont commencé à descendre. Nos regards étaient focalisés sur le seul à continuer avec audace. Se reposant tous les cinq à six pas, il avançait courageusement, avant de disparaître dans les rochers sous le sommet. À onze heures, il est soudainement apparu au-dessus de l'Elbrouz. Une volée de fusil, de la musique, des chansons et des cris joyeux ont retenti à sa vue.À son retour, nous avons réalisé que le vainqueur était un Kabardien (Circassien) un ancien berger nommé Khilar, un homme laid et boiteux. En récompense, il a reçu le prix proposé par le général Emmanuel – 100 roubles en crédits et cinq arshins de tissu. »

Khilar Khashirov
Khilar Khashirov, le pionnier au sommet de l’Elbrouz © Mountain.ru

Sommet gravi ? Oui, mais lequel ? Il semblerait que ce soit le sommet oriental, le moins élevé. Peut-être le plus facile d’accès depuis le versant nord ? Le compte-rendu de Besse n’en parle pas.

Qu’importe, l’expédition s’avère être un succès, le général Georgi Emmanuel devient membre de la prestigieuse Académie des sciences de Russie.

Mais pour les alpinistes de la seconde moitié du XIXe siècle, essentiellement britanniques, le sommet le plus élevé de l’Elbrouz, l’occidental, reste à gravir.

 

Douglas Freshfield gravit le mont Kazbek

Au cours de l’été 1868, Douglas Freshfield, un jeune Londonien, âgé de 23 ans, va établir sa réputation d’explorateur et de montagnard averti en parcourant les montagnes du Caucase.

Le 1er juillet 1868, la petite équipe menée par Freshfield s’adjuge une fort belle victoire : le mont Kazbek (5 054 m) dans la partie orientale du Caucase. Puis ils se dirigent vers l'Elbrouz.

Le mont Kzabek
Le mont Kazbek, magnifique pyramide géorgienne © Dookinternational

 

Elbrouz : victoire présumée

À la lecture de son remarquable ouvrage, Travels in Central Caucasus, publié en 1869, il apparaît que lui et ses cinq compagnons (les Anglais C. C Tucker,  A. W. Moore, le guide chamoniard François Devouassoud et deux porteurs locaux), atteignent le « sommet » le 31 juillet 1868, après une ascension marquée par la chute en crevasse de Freshfield, dont il réchappe de justesse. Eux aussi ont réalisé l’ascension depuis le versant nord.

François Joseph Devouassoud
François Joseph Devouassoud : « François était un joyeux gaillard, bon vivant et fort comme un bœuf » (Hervey Fisher)

Freshfield : « Nous avons atteint le sommet de l'Elbrouz à 10 h 40, et nous en sommes repartis quelques minutes après 11 heures. Nous avons eu quelques difficultés à concilier l'aspect du sommet de la montagne, vu de loin, soit au nord, soit au sud, avec sa forme réelle. À partir de Poti [port géorgien sur la mer Noire], l'Elbrouz paraît culminer en deux pics de hauteur apparemment égale, séparés par un creux considérable. Les écarts entre les sommets que nous avons visités ne dépassent pas 150 pieds de profondeur, et nous avons été surpris qu'ils soient si visibles de loin. En marchant autour de la crête en fer à cheval, nous avons naturellement regardé pour voir s'il n'y avait pas un autre sommet, mais aucun n'était visible ; et à l'ouest (où, le cas échéant, il aurait dû se trouver), les pentes plongeaient vers l’ouest et il n'y avait pas de nuages ​​​​assez denses pour dissimuler une éminence presque égale en hauteur à celle sur laquelle nous nous tenions. »

Douglas Freshfield
Douglas Freshfield au centre

 

1874, la victoire définitive revient à Grove et ses compagnons

Il faudra attendre 1874 pour tirer au clair cette histoire de victoire présumée. Les alpinistes britanniques Florence Crauford Grove, Frederick Gardner, et Horace Walker accompagnés du guide suisse valaisan, Peter Knubel, gravissent à leur tour l’Elbrouz, mais cette fois, par le versant sud.

Grove : « Le pic que nous avions gravi n'était pas le même que celui escaladé par M. Freshfield et ses compagnons en 1868. [...] Lorsque nous avons ensuite comparé nos notes avec celles de M. Freshfield et de M. Moore, ils sont également arrivés à la conclusion que le sommet sur lequel nous nous tenions n'était pas le même que celui qu'ils avaient atteint, et il peut être considéré comme certain qu'ils ont gravi le pic oriental, nous le pic occidental. [...] Lorsque nous nous trouvâmes sur le sommet ouest, l'autre paraissait être au même niveau que nous, et je crois que des observations soigneuses montreraient que les deux sommets sont presque exactement égaux en hauteur. Jusqu'à ce que des observations soient faites [...] le sommet occidental doit être supposé le plus élevé. »

L’Elbrouz vu du sud-est, gravure tirée de l’ouvrage de Crauford Grove
L’Elbrouz vu du sud-est, gravure tirée de l’ouvrage de Crauford Grove ©The Frosty Caucasus - Grove

La voie normale de l’Elbrouz se déroule de nos jours sur le versant sud. Le versant nord, plus sauvage, moins fréquenté, garde une partie de son mystère.

 

De l’Elbrouz au Kangchenjunga, la vie bien remplie de Douglas Freshfield

En 1899, Douglas Freshfield s’illustrera en réussissant le premier tour intégral du massif du Kangchenjunga sur la frontière indo-népalaise. Membre très actif de la célèbre Royal Geographical Society et président du non moins célèbre Alpine Club, il fait partie de cette extraordinaire kyrielle de grands voyageurs et alpinistes venus d’Outre-Manche.

Texte de Didier Mille.

 

En savoir plus sur l'Ascension de l'Elbrouz à 5 642 m par le versant nord ici.

 

[1] Bulletin des Sciences Géographiques, Economie Publique, Voyages.  1830. Tome XXI, p.497-501.

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