Expédition hivernale sur le lac Khövsgöl en Mongolie

Nous nous envolons pour la Mongolie à destination d’Oulan-Bator. Arrivée le plus souvent dans la matinée du jour 2. Accueil à l'aéroport par notre équipe locale et transfert à l’hôtel. Oulan-Bator, capitale de la Mongolie, regroupe plus d'un tiers de la population soit environ 800 000 personnes. Construite sur les bords de la rivière Tuul, encadrée de montagnes, Oulan-Bator est une ville plaisante à découvrir. Il est cependant recommandé de porter des masques, car en hiver le ciel bleu est souvent partiellement voilé par les nuages d'échappement des usines à charbon qui alimentent la ville en électricité. Dans l'après-midi, Nous visitons le Gandantegchinlin, le monastère de Gandan. Ce monastère de style tibétain est l’un des plus importants du pays. Après avoir subi de nombreux dégâts lors des purges religieuses de 1937, il a repris sa dimension et sa ferveur dans les années 1990.

Dans la matinée, nous chargeons le véhicule et entamons notre longue route vers le nord, en direction de Khatgal en bordure du lac Khövsgöl. Petit à petit, nous éloignant de la capitale et de la civilisation, nous nous enfonçons dans la steppe mongole. Les paysages le plus souvent vides de toute habitation, contrastent avec la densité d'Oulan-Bator. Nous faisons une escale pour la soirée et la nuit à mi-chemin, à Erdenet. Temps libre pour nous poser autour d'une bière locale ou d'un shot de vodka et échanger sur l'expédition qui nous attend. 

Dans la matinée, nous chargeons les véhicules et reprenons notre périple à travers la steppe mongole pour rejoindre la ville de Mörön. C’est l’occasion de traverser les régions de Selenge et du Khövsgöl, les plus boisées du pays avec de nombreux bouleaux, pins, cèdres et mélèzes. Nous atteignons enfin, Mörön, le chef-lieu de la province du Khövsgöl qui possède les arbres les plus hauts de Mongolie, certains atteignant plus de 40 mètres de hauteur. Cette province abrite une faune abondante typique de la taïga montagneuse : cerfs, sangliers sauvages, écureuils, castors, loutres, hermines, martres, zibelines, loups. Mais les observer est difficile.

Mörön désigne à la fois la ville et le district qui la contient. Située à 1 283 mètres d’altitude sur le versant nord des monts Ertchim en bordure du fleuve Delgermörön, elle est distante d’Oulan-Bator de plus de 670 kilomètres. C’est l’une des provinces mongoles les plus ancrées traditionnellement dans le chamanisme, voire LE berceau du chamanisme mongol. Mörön fut fondée sur l’emplacement du faubourg commercial contigu à l’ancien monastère de Möröngiin Khuree, construit vers 1890 et qui, avant la Révolution, était le grand centre religieux du nord de la Mongolie. 

Fondé entre 1809 et 1811, le monastère de Möröngiin Khuree est l’un des rares vestiges du bouddhisme mongol. Au début du XX^e siècle, le monastère accueillait une population d’environ 1 300 lamas avant d’être détruit au cours de la purge de 1937. Entre 1937 et 1939, la Mongolie fut marquée par une nouvelle série de purges draconiennes contre « l’intelligentsia » tant laïque que religieuse. Une violente campagne anti-religieuse est notamment lancée pour éradiquer la foi bouddhiste et les croyances chamaniques. Les quelques 700 monastères que compte le pays sont alors mis à feu et à sang, les lamas étant tenus pour responsables de la résistance des Mongols à la modernisation de leur pays. Des milliers de moines sont mis à mort. En 1991, un charnier de 5 000 crânes fut découvert au nord-ouest du pays. Les experts avancent des chiffres de dix à vingt fois supérieurs.

En fin de journée, nous atteignons le petit village de Khatgal, situé à la pointe sud du lac Khövsgöl. Khatgal est la plus importante commune et l’une des deux seules en bordure du lac, avec Khankh au nord-est. Composée de nombreuses maisons en bois organisées entre des rues larges et parallèles, Khatgal rappelle l’architecture et l’ambiance des villages russes de Sibérie. 

Aujourd’hui, nous débutons notre traversée du lac Khövsgöl. Nous nous levons aux aurores pour prendre le petit-déjeuner, et vérifier notre matériel rangé dans nos pulkas. Après un transfert d’une dizaine de minutes en véhicules vers les rives du lac, nous faisons sur la glace nos premiers pas de notre périple d’environ 130 kilomètres.

Notre objectif est de rallier à pied le hameau de Turt, au nord-est du lac, juste au dessous du village de Khankh. Nous effectuons la totalité de notre parcours sur le lac, et alternons, sans que ce soit régulier, nuits chez l’habitant et campements sous tente sur la glace, la neige ou la berge. 

Cette première journée est l’occasion de faire connaissance avec notre environnement. Nous progressons sur le lac tractant nos pulkas d’une trentaine de kilos. Cette sensation procure à chacun des émotions fortes. Notre rythme varie en fonction de la neige ou de la glace vive sous nos pieds. Par endroits, la neige plus ou moins épaisse retient nos pulkas. Ailleurs, quand le lac est recouvert de glace vive, nous avançons plus facilement. Souvent, nous évoluons sur une alternance de patches de neige et de glace. Enfin, certaines parties du lac sont recouvertes de zones de compression parfois sur plusieurs dizaines de kilomètres carrés. Ces zones de blocs de glace plus ou moins grands et entremêlés nous obligent à redoubler d’efforts, quand il ne faut pas simplement les contourner pour faciliter notre avancée. Toutes les heures environ, nous faisons une pause de quelques minutes afin de boire du thé chaud et grignoter des graines, des noix, du fromage ou encore des barres énergétiques. La durée de ces arrêts est limitée afin de ne pas nous refroidir. Nous ne déjeunons pas pour cette raison, et nous contentons de ces encas réguliers. 

Vers 16 heures, nous nous rapprochons de la berge pour notre première soirée et nuit dans une famille d’éleveurs, ou sous la tente. Installés dans l’unique pièce de la maison si nous sommes chez l’habitant dans une maison ou une yourte, nous faisons connaissance avec nos hôtes. Ils préparent le dîner pour nous tous, autour du poêle à bois qui sert de cuisinière. Au menu, le plus souvent, une soupe et de la viande. Difficile de faire sans ! La viande est la nourriture de base en Mongolie, en particulier en hiver. Quand c’est l’heure de dormir, nous étendons nos sacs de couchage à même le sol et nous endormons rapidement, aux côtés de nos hôtes.  

Réveillés tôt, nous prenons notre petit-déjeuner et rangeons nos affaires dans les pulkas. Il fait froid dehors, et la température contraste avec l’intérieur de l’habitation, souvent surchauffée. Nous nous mettons en marche, dans le seul bruit de nos crampons qui craquent sur la glace ou crèvent la couche de neige. Nous nous réchauffons dans l’effort, et nous émerveillons de la beauté de la nature qui nous entoure. Nous avons confiance dans l’épaisseur de glace sous nos pieds. L’appréhension, qui a pu nous saisir au départ, laisse à présent la place au plaisir d’évoluer dans un environnement d’une grande beauté. La glace est une source d’admiration permanente, tant ses couleurs peuvent changer. Les compressions pour leur part, ne cessent de nous surprendre par leurs formes et leur volume. Si nous sommes chanceux, nous pouvons apercevoir une trace de loup dans la neige, des loups qui traversent parfois le lac sans représenter cependant de danger particulier. 

Idéalement, nous nous arrêtons en milieu d’après-midi sur la neige pour nous isoler relativement du froid de la glace, et à proximité d’une zone de crêtes de compression. En effet, casser de la glace en morceaux apparents, est plus facile que de piocher dans l’uniformité du lac. Nous vissons des broches dans la glace pour maintenir nos tentes et installons nos matelas et duvets à l’intérieur. Puis, nous entamons le long procédé de fonte de la glace, sur notre réchaud à carburant. Une étape qui requiert toute notre attention. Nous dînons d’un repas lyophilisé sous la toile, puis ne tardons pas à nous glisser dans nos duvets pour la nuit. Nous entendons alors les bruits du lac, des bulles qui éclatent, des craquements parfois très forts, et qui ressemblent à des claquements de fouets, à des coups de feu, et au sentiment d’être à proximité d’une énorme marmite d’huile sur le feu. C’est surprenant, fascinant et en aucun cas révélateur d’un danger, mais plutôt de la réaction de la glace aux différences de températures.

Aux alentours de 16 heures ce troisième jour, après 12 à 15 kilomètres, nous choisissons un endroit pour monter notre campement en tentes sur la berge du petit lac Khar Uurs, qui n’est jamais gelé. Un lieu splendide où nous pouvons pleinement profiter du silence, comme de la beauté des lieux. 

Après le petit déjeuner, nous quittons notre campement et retrouvons la glace. Nous nous arrêtons régulièrement pour faire des pauses et en fin d’après-midi, après une nouvelle journée d’expédition sur le lac, nous parvenons à Jigleeg pour une soirée et une nuit chez une famille d’éleveurs habitant une maison en bois. 

Cette journée est semblable aux précédentes, mais nous conduit vers le centre du lac et se termine par l’installation de notre campement sur l’île de Dalan Modon Khuis. Cette île de trois kilomètres sur deux, est située à 11 kilomètres de la côte est du lac, et à une cinquantaine de notre point de départ. Elle est inhabitée et couverte en majorité de forêt. 

Cette étape peut être modifiée en fonction des conditions météo et des zones couvertes par d’éventuelles crêtes de compression rendant notre accès difficile, voire impossible. Un facteur pouvant être très différent d’une année sur l’autre. 

Ces journées de progression sur le lac sont assez semblables aux précédentes, si ce n’est que le paysage change et devient plus beau au fur et à mesure de notre approche du Nord. En effet, les montagnes à proximité de la frontière russe face à nous rendent le paysage à l’horizon fascinant. Nous continuons également à nous émerveiller de la beauté de la glace dont la palette de couleurs ne cesse jamais de nous surprendre. Nous sommes aussi plus habitués aux conditions proches d’une aventure polaire. Nous avons pris nos marques depuis longtemps et profitons pleinement de ce voyage sur la glace. En fonction des conditions météo, de notre allure et de notre état de forme, notre guide adapte la localisation des nuits, entre la glace du lac et les campements, et une nuit chez l’habitant sur la berge.  

Cette journée est notre dernière à pied sur le lac. Nous parcourons encore une douzaine de kilomètres en profitant des bruits sous nos pieds. La vue autour de nous est toujours aussi magnifique. Au loin devant nous, nous apercevons le campement de yourtes permanentes où nous nous rendons. Nous y parvenons en milieu d’après-midi. Nous pouvons enfin faire un brin de toilette et changer tous nos vêtements. Nous pouvons même profiter du sauna russe, à vapeur chaude, le banya. Notre campement, installé sur une petite colline, nous permet d’apprécier la vue sur le lac. Là aussi, nous pouvons prendre le temps de regarder nos photos et de célébrer notre traversée avec un thé, ou un verre de vodka. 

Aujourd’hui, nous retrouvons les véhicules pour rejoindre Khatgal, point de départ de notre fabuleuse aventure. En véhicule privé, nous roulons sur le lac que nous pouvons apprécier différemment. Le parcourir en voiture est aussi une belle expérience. Nous retrouvons notre guesthouse de départ à Khatgal où nous nous installons pour la nuit. 

Dans la matinée, nous reprenons nos 4x4 et quittons le lac Khövsgöl. Nous entamons notre route retour en direction d'Oulan-Bator avec un stop à Erdenet ou Bulgan à mi-parcours de la route du nord. Erdenet est la capitale de la province de l’Orkhon et la deuxième ville de Mongolie. Elle fut le premier centre minier du pays. Une fois dans la capitale, nous nous installons à notre hôtel. 

Selon l’horaire de l’avion, transfert à l’aéroport et envol pour l’Europe.